Jobs, Stallman et ... La Fontaine

Est-ce l'effet de l'age, ou de mon expérience,
qui me pousse à me retourner aussi souvent,
sur un passé qui s'enfuit trop rapidement ?
Mais là, la Fable vaut bien plus que la Science !

Si la firme à la pomme a des clients captifs
c'est qu'ils le veulent bien. Et je suis très heureux
qu'un développeur eût été plus pointilleux,
qu'il ait fuit ce modèle et le joue 'collectif'.

Relisez "Le loup et le chien", de La Fontaine
et méditez un peu sur la leçon donnée.
Choisissez votre camp; du client fortuné
qui croit que tout peut s'acheter et qui s'enchaine,

ou de celui, plus prudent, qui partage
et qui rêve d'un monde où tous sont comme lui,
qui ne confond pas la valeur et le prix
et refuse d'offrir sa liberté en gage.

Bon, soyons plus sérieux et moins lyrique, le sujet fait débat : "VLC bouté hors de l'App Store", et c'est la querelle entre ceux qui croient que tout leur est dû[1], et ceux qui, droits dans leurs bottes, campent sur des principes qu'ils clament non négociables.

Ma préférence va clairement aux seconds, même si je connais des spécimens de la première espèce[2] que je charrie souvent en leur disant qu'ils sont plus à plaindre qu'à blâmer.

Visiblement, rien ne surprend davantage un snob que de se faire snober; il ne s'y attend pas et crie à l'injustice, comme un vrai Kuzco![3]. C'est pourtant de cette division du monde en deux parties qu'il est question. Acheter un appareil griffé de la pomme est souvent vécu comme l'accession à une sorte de club; il y a "ceux qui en sont", et "les autres". De là à ce que deux camps se définissent, puis se replient sur eux mêmes en devenant des clans, et le décors est planté pour que les agressions commencent.

Concernant VLC, le divorce est consommé entre deux points de vue inconciliables. Faut-il un responsable ? D'autant qu'il n'est pas certain que ce soit celui qui a ouvert les hostilités.

Je n'ai pas le talent de l'illustre Jean, mais je me fendrais bien d'une morale :
"A sectaire, sectaire et demi."

Notes

[1] Et c'est bien normal qu'ils le croient, si l'on se réfère aux messages marketing qui les ont poussés à acquérir, cher, le Graal grâce auquel tout devient possible.

[2] Comme ce sont des amis, ils se reconnaitront mais ne m'en voudront pas (du moins, je l'espère).

[3] En revisionnant le générique de ce dessin animé, je n'ai pu m'empêcher d'imaginer le longiligne Steve en costume Inca lors d'un KeyNote; essayez, c'est tordant.

Commentaires

1. Le dimanche 16 janvier 2011, 11:30 par Patrick REY

Pour ma part, ce ne sont pas les "messages marketing qui les [m']ont poussés à acquérir, cher, le Graal grâce auquel tout devient possible", comme tu dis. Et je l'explique, un peu longuement, désolé.

Au départ, dans les années 80, l'argent ne venait pas directement de ma bourse, lorsque les deux Steve (Wozniak et Jobs) ont ré-inventé la micro et que je devais bosser sur des logiciels Mac. C'est simplement l'usage qui m'a conquis, car ni l'outil ni la technique ne m'intéressent passionnément : il me faut juste le bon cocktail de soft et de hard qui fasse que je bosse, me divertit et m'amuse, sans souci, ni plantage, ni blocage. Et donc sans les coûts cachés induits par les machines bas de gamme, assemblées/markétées à la va-vite, doublés de ceux d'un système d'exploitation qui ne peut pas se passer de sa horde de dépanneurs/mécanos trop chers ou trop bricolos. Nous étions alors au moyen âge, bien avant les initiatives de création d'OS alternatifs, s'appuyant sur Unix.

La montée en puissance des PC sous DOS avec sa greffe Windaube, qui faisait beaucoup de rejets post-opératoires, n'a jamais réussi à me convaincre. Je suis donc resté fidèle au Mac*. Et pourtant, le leader charismatique et autocrate avait depuis été bouté hors de son entreprise, des nuls étaient aux commandes d'Apple, et avaient même lancé l'idée des compatibles Mac. C'était bien trop tard ! Il eût fallu le faire au départ, pour ne pas laisser le champ libre aux photocopieuses de Bill, qui a mis du temps avant de sortir qqchose de tout juste potable. Mais son marketing était nettement plus efficace que celui de Steve Jobs, et il a ainsi pu envahir la planète avec sa daube mal copiée, mal finie et sa main-mise sur le net avec le meurtre du père (je veux parler de Netscape) pour que chacun navigue sans savoir où il est (dans la machine ou sur la toile) et reste prisonnier de Microsoft.

Ceux qui dénigrent le "jardin fermé" oublient parfois tout le mal qu'a fait IE, longtemps cancer du web, en gangrénant internet. La commission européenne a obtenu que soit débranché ce poumon artificiel, mais bien trop tard, le mal plus profond étant fait. Maigre compensation, les héritiers de Netscape viennent de passer devant l'explorateur du web, mais la victoire de Firefox n'est qu'européenne, et la question du fureteur était une marionnette pour cacher le fond de l'affaire. L'ogre de Redmond en a profité, avec ses deux vaches à lait (l'OS et la suite bureautique) aux marges incomparablement supérieures à celles d'Apple ! Depuis 10 ans environ, il n'a plus tellement la main et se retrouve essentiellement en mode réactif (obligé de mettre à jour son IE, de remplacer son Vista, de chercher des alliances pour contrer Google, etc.). Voir le plouc qui a remplacé Bill à la tête de l'empire numérique, toujours très drôle : http://filz.fr/kvhx6g

Alors que j'étais resté fidèle à un navire que beaucoup avaient quitté à la fin des années 90, le retour aux commandes du co-géniteur a propulsé Apple dans une série d'innovations de rupture qui n'ont pas manqué de surprendre la clientèle captive, trop souvent des "vieux dans leur tête" : côté soft, le passage à Mac OS X (couches et garniture Mac sur un fond d'Unix, qui a ensuite davantage inspiré les distributions Linux plutôt que les "merveilles" de Vista), côté hard, le passage aux processeurs Intel (le Mac est devenu un PC presque comme les autres, et fait tourner les 3 systèmes mieux que beaucoup de machines).

C'est cet écosystème qui me convient parfaitement, avec un rapport qualité/prix qui me semble excellent. Comme la fameuse "taxe Apple" s'est largement amoindrie (les comparatifs parlent maintenant de 50 à 100 €), et que le coût total d'usage est largement défavorable au monde d'en face, je constate que je m'y retrouve au final. Par exemple quand je revend à bon prix une machine de 3 ans après en avoir achetée une nouvelle, malgré ce prix plus cher au départ, comme la vox populi le répète à l'envi.

(*) si on cherche la dimension psychologique, il y a bien entendu l'envie de ne rien faire comme tout le monde, et surtout pas comme on me dit de faire, ce que j'imagine tu comprends.

2. Le dimanche 16 janvier 2011, 17:03 par Christophe

@Patrick : Merci de ce long commentaire qui explique la bonne raison de préférer un produit à un autre : le fait qu'il réponde mieux à son besoin.
J'attends moi aussi, pour changer mon portable, de trouver à un prix raisonnable un matériel qualitativement aussi réussi qu'un Macbook (l'original ne me plait esthétiquement pas); mais pour ce qui est de mon poste fixe; j'ai déjà assemblé pour moins cher qu'un iMac un ensemble qui me satisfait au moins aussi bien que sa version 'originale'.
Car certains, dont je suis, intègrent à leur besoin un désir de maitrise totale de leur outil et d'indépendance totale après l'achat. Tous n'ont pas cette exigence; peu y renoncent consciemment et sans remords; le plus grand nombre ne sait même pas qu'un choix existe, et c'est bien le plus triste.