Ma mairie sur Facebook ?

A la suite d'un article sur un hub Viadeo, j'ai lu une étude qui s'étonne de la faible présence des mairies sur Facebook, alors même que ce site vient d'enregistrer son 600 millionième adhérent.

L'étude part de constats chiffrés et remarque que nos mairies ne s'empressent pas de créer des Fans Pages officielles, alors qu'à coté, des fans clubs officieux voient leurs nombres d'amis exploser.

J'ai laissé passer la première réaction qui est de dire qu'effectivement, voir une mairie créer cet espace pour y rassembler et y faire se rencontrer et débattre ses administrés pourrait avoir du sens. Peut-être une première pierre posée de cette démocratie participative que certains appellent de leurs vœux.

Mais mes réflexes de libristes ont eu tôt fait de me rattraper et après réflexion, je n'y suis pas favorable. Et je regrette un peu l'attitude de la ville où je réside, Bordeaux, qui n'a pourtant cédé à cette tentation que le 10 novembre dernier[1] pour afficher sur son mur certaines annonces de son canal Twitter.
Pourquoi ? Je m'explique.

Dans la Vraie Vie (IRL[2]), les municipalités mettent à la disposition du public des lieux, comme la place du village, où les gens qui le souhaitent se rencontrent et échangent, et les élus locaux ne sont pas les derniers à venir y rencontrer leurs administrés; même si des esprits chagrins feront remarquer que c'est plus volontiers à l'approche des échéances électorales qu'ils adoptent se comportement.

Bordeaux possède de nombreux lieux de ce type, qu'il serait péjoratif de traiter de "place de village", mais qui remplissent une fonction similaire, sorte d'Agora moderne. Les étudiants savent bien que pour se retrouver avant de sortir, le lieux de rassemblement tacite, c'est Place de la Victoire. Et dans chaque espace disponible, un usage se développe et un public se reconnait.
Mais ce sont des espaces publics ouverts, pas les salons de l'Hôtel de Ville; on ne va pas à la Mairie comme on va au Café du Commerce.

De son coté, la mairie de Bordeaux publie un site plutôt riche en informations et en services aux citoyens. On y trouve même un espace d'échange, version internet de la consultation publique. Mais on n'y trouve pas de forum où chacun peut lancer un sujet ou y répondre, rôle du mur dans une page Facebook.
A chaque lieu, fusse-t-il virtuel, ses usages et sa finalité. Ici, on communique, ailleurs, on discute, on échange, on papote.

Pour finir, et sans vouloir crier au Grand Satan à l'encontre de Facebook, je trouve pour ma part déplacé, de la part d'une émanation de l'état, officiellement et théoriquement exemplaire (ou devant s'efforcer de l'être) qu'elle me pousse plus ou moins directement à participer à ce qui est probablement l'une des plus grande collecte de données privées réalisée à l'échelle de la planète.

A titre d'exemple; j'ai reçu récemment un mail d'une grande enseigne de distribution me conviant à un jeu-concours "Gratuit et sans obligation d'achat", comme le veut la formule consacrée. En examinant de plus près cette offre, je me suis aperçu que pour participer, il fallait avant toute chose s'inscrire comme "Fan" de la page du distributeur en question.

Alors certes, on ne m'obligeait pas à acheter un bien quelconque, mais j'étais obligé de donner, définitivement et sans contrepartie directe, une parcelle de ce "Social Graph"[3] qui à tant de valeur aux yeux de la régie publicitaire de Facebook. Du coup, la participation devenait à mes yeux payante, au contraire de l'étude marketing que s'offre ainsi à peu de frais le distributeur organisant l'évènement.

La gratuité n'existe pas, tout le monde en est maintenant convaincu; et les données personnelles sont une matière première que des sites comme Facebook savent affiner et recouper pour leur donner plus de valeur que vous ne pensez quelles ont.
Il convient de se demander comment ces soit disant offreurs de services se payent.

Notes

[1] Elle n'avait pas encore basculée à la date de l'étude, et la date d'écriture de ce billet, la page Facebook "Bordeaux, ma ville" n'a pas encore atteint les 1000 fans, alors que la page officieuse "I Love Bordeaux" a dépassé les 100000 !

[2] IRL : acronyme de In Real Life; littéralement, "Dans la vie réelle"; utilisé pour faire la différence avec ce qui ce passe sur les réseaux, IRC à l'origine, et dont Facebook est un des descendants.

[3] On lira avec intérêt ce billet, hélas un peu technique pour beaucoup, qui montre la simplicité avec laquelle il est possible d'exploiter l'immense masse de données et de relations qui dorment (pas pour tout le monde) dans les serveurs de Facebook.