Le mensonge, liant social ?

J'avais une fois déclaré à mon professeur de mécanique : "Sans frottements, on aurait besoin de bien moins d'énergie pour faire tourner une machine; plus de roulements à billes, plus de lubrifiants, ce serait plus simple." Ma remarque partait d'un constat trop hâtif que mon professeur tempéra en m'expliquant que, sans l'existence des frottements, la mécanique n'existerait tout simplement pas : "On ne pourrait plus serrer une vis et un écrou sans qu'il se dévissent d'eux même aussitôt."

Quand je vois ce qui se passe à l'heure actuelle avec le site Wikileaks; j'en viens à penser que le mensonge, au moins par omission, est un liant social, nécessaire à l'assemblage que constitue nos sociétés telles qu'elles sont, alors même qu'elles érigent la Vérité en valeur suprême. Ce mensonge, qu'on serait ouvertement condamné à combattre, tout en prenant bien soin de ne jamais laisser la Vérité remporter une victoire complète par éradication.

Je ne peux m'empêcher d'y voir cette dualité équilibrée du Yin et du Yang, du Bien et du Mal, ou plus prosaïquement, en informaticien que je suis, du Vrai et du Faux : le 1 et le 0.

D'ailleurs, si c'est un assourdissant concert de voix qui réclame une muselière technico-juridique pour faire taire Wikileaks, pas une seule ne mets en doute la véracité des révélations qui y sont faites. Il s'agit donc bien d'une attaque distribuée[1] qu'il s'agit, venant des pouvoirs de tous bords, dirigée contre la manifestation de la Vérité, cet espèce de Graal de tout système judiciaire.

Finalement, cet excès de Vérité est peut-être un juste rééquilibrage après trop de mensonges. L'histoire jugera, cette histoire que Napoléon qualifiait de "mensonge que personne ne conteste".

Notes

[1] Allusion aux attaques de type DDOS (Distributed Denied Of Service) dont le site wikileaks.org et ses innombrables miroirs sont la cible; méthode brutale pour faire taire un site en le rendant inaccessible, habituellement plutôt utilisée par des cyber-criminels.